J'ai mis plus de deux ans à réfléchir sur la question avant d'écrire sur le sujet. J'ai lu, observé, remis en questions, discuté avec d'autres passionnés, fait des tests avec mes chiens et les pensionnaires pour en arriver à la conclusion qui suit.
Bonne lecture!

 

L'Homme, jusqu'à tout récemment dans son histoire, a toujours basé ses actions sur la recherche de la suprématie sur les autres, son environnement et évidemment sur les animaux. L'Homme commence tout juste à avoir un début de respect pour ce qui l'entoure, en tout cas, je trouve et j'espère que je ne me trompe pas. J'ose croire que des changements arriveront petit à petit dans tous les domaines mais le changement est souvent long et difficile. Mais dans le cas qui m'intéresse ici, c'est notre vision du chien et la dominance.


Définition

La définition du mot est importante parce que ce mot est utilisé à outrance dans plusieurs contextes différents. Et si on ne s'entend pas sur la définition, on ne peut pas parler de la même chose.

 

Dans le Petit Robert:

Dominance : Exercer une influence qui l'emporte sur les autres, qui exerce l'autorité sur l'autre, commander souverainement, diriger, qui régit, soumettre, asservir, contrôler, dompter, maîtriser.

Souverain : Qui est au-dessus des autres, n'est subordonné à personne.

De plus, le terme "dominant" n'est rien s'il est utilisé seul. Ce que je veux dire c'est que ce n'est pas un trait de personnalité d'un animal mais bien sa position cherchant à établir l'ordre des individus les uns par rapport aux autres en fonction d'une situation donnée. Comme par exemple, chez le loup, si on classe le nombre de comportements de leader des individus les uns envers les autres, en faisant le total, on pourra placer en haut, le dominant. De la même manière, on pourrait compter le nombre de comportements de soumission des individus les uns envers les autres, puis celui qui en reçoit le plus pourrait être catégorisé de dominant, même si cet individu n'utilise presque jamais de comportement agressif envers ceux-ci. Donc "dominant" ne signifie pas agressif.

Et en plus, les nouvelles recherches sur les loups ont démontré une interprétation totalement différente du principe de hiérarchie dans leur organisation. Les meutes de loups sont créées par un couple reproducteur, qui éduque ses louveteaux. La meute s'organise autour d'un noyau familial. Nous sommes loin du loup alpha tyranique qui règne par la peur et à coup de roulé alpha! Chaque famille est différente, certains parents sont plus agressifs et d'autres plus démocratiques. Donc même en comparant le chien au loup pour expliquer la dominance, on est dans le champ!

L'Homme dominateur

De mon point de vue, l'Homme, voulant dominer tout ce qui l'entoure, croit aussi que ceux qui l'entourent veulent le dominer donc il cherche à avoir le dessus dans tout. Dans le cas qui nous intéresse ici, il veut dominer le chien parce qu'il croit que le chien veut le dominer. Il interprète tout refus d'obtempérer comme une recherche de dominance de sa part.

Donc: C'est de faire de l'antropomorphisme que de dire que les chiens veulent dominer.

« Mais les chiens viennent du loup! » Me direz-vous? Mais ce ne sont pas des loups! Le chien est apparu il y a 100 000 ans d'une division dans la lignée du loup.  Ils n'ont pas sauté tout d'un coup dans les clans d'humains en voulant s'imposer comme maître de la place! Le chien a tout d'abord voulu cohabiter près des peuples d'Hommes pour l'avantage principal qu'il pouvait en tirer, celui de pouvoir manger ses déchets. Au même moment peut-être, l'humain s'est rendu compte que ce loup plus docile que les autres pouvaient être utile à sa survie.

 

Changer les vieilles idées

Avec les nouveaux courants d'études du comportement canin, on se rend compte qu'on a totalement oublié comment écouter les chiens. Je suppose que lorsque l'Homme est devenu plus qu'un chasseur-cueilleur et qu'il a commencé à domestiquer son environnement selon son désir, il a oublié le respect et a appliqué la force pour mettre à sa main aussi bien les champs, les montagnes, le bétail et les chiens. C'est en observant et en apprenant comment vit le chien et en respectant ses réelles capacités que nous pourrons obtenir le meilleur du meilleur ami de l'Homme.

 

Les motivations du chien

Sa principale préoccupation est de manger, mais ses capacités à mener une chasse fructueuse ont été diluées par des milliers d'années à fouiller nos poubelles et par nos diverses sélections pour rencontrer nos besoins. Certaines races ne peuvent tout simplement pas courir assez longtemps, ou rapidement, comme le basset pour attraper quoi que ce soit. Ou d'autres ont perdu leur instinct pour la mise à mort, comme le golden retriever qui doit rapporter la proie sans laisser aucune marque de dents. Même les chiens comme les huskys ou les bergers allemands même s'ils peuvent attaquer et manger une proie ne seront pas capables de vivre dans une meute organisée. Ils préféreront toujours fouiller nos poubelles. Si un jour l'Homme disparaît et que le chien reste, certains individus survivront peut-être pour créer des meutes avec à la base, un couple reproducteur.

Sa deuxième préoccupation est d'éviter les conflits. À chaque fois qu'un chien en rencontre un autre, sa première pensée est de rassurer l'autre sur ses intentions pacifiques en exprimant divers signaux du langage canin, appelé, « signaux d'apaisement ». Ce langage que nous commençons à peine à comprendre est la clé de la compréhension du chien. Je vous invite, si ce n'est déjà fait à aller lire ma chronique sur le sujet. Une fois, les deux chiens rassurés, ils se rapprocheront pour prendre leurs informations en se reniflant mutuellement. Par la suite, dans toutes les situations où deux ou plusieurs chiens interagissent entre eux, ils font sans cesse appel aux signaux d'apaisement pour communiquer. Tu joues trop fort, j'ai fini de jouer, cet os est à moi, tasses-toi, j'ai peur de toi, je suis prêt. Leurs motivations ne les poussent pas à vouloir dominer. Dominer c'est une affaire d'humain!

 

La compétition

Voici l'aspect qui a longtemps donné raison à la philosophie de la dominance relationnelle du chien. Brutus grogne si on s'approche de son os, Méo veut monter sur le divan ou Molly ne veut pas donner sa balle. Le chien compétitionne pour ce qu'il veut. Aussi simple que ça. Il veut quelque chose, il va tenter de l'obtenir. Mais il ne veut pas dominer, ni, diriger, ni contrôler, il veut juste son os, sa balle ou se coucher confortablement sur un divan! Il s'en fout vraiment à savoir si vous mangez avant lui ou après, tout ce qu'il veut c'est manger. Les chiens sont des opportunistes égoïstes. Ils vont faire ce qui est payant pour eux au moment où ça se présente. Si c'est plus payant d'attendre sagement la fin du repas de la famille, il va attendre. S'il a appris que de quêter, ou de se servir lui-même dans votre assiette lui était plus profitable, et qu'il ne recevait rien de négatif en retour, c'est ce qu'il fera.

Les chiens ont très peu ou pas d'intérêt à établir une dominance relationelle constante avec l'Homme ou avec d'autres chiens. Son évolution l'a amené à vivre des restes laissés par les humains et non à gérer des humains pour se nourrir. Pourquoi maintenant aurions-nous besoin de s'imposer comme dominant alors qu'on a jamais eu à le faire? Par contre, il pourra faire de la compétition et gagner un jeu de tug, mais ça ne fera jamais de lui un chien dominant... en fait oui, si on parle du rang qu'il occupe si on fait le jeu plusieurs fois en comptant le nombre de fois où le chien ou l'humain réussit à garder le jouet pour lui. Si le chien a plus de points, il domine le jeu de tug. Mais ce n'est pas un chien dominant, ça veut rien dire ça! Si c'est l'humain qui domine le jeu, il est dominant. Mais je ne crois pas que vous allez vous présenter à de nouveaux collègues: "Bonjour, mon nom est Robert, je suis dominant!" Ce n'est qu'une place dans un classement. En dehors du classement, ça n'a aucun sens.

 

De dominance à éducation

Comme tout système social, il y a des règles à respecter pour que tout fonctionne bien. L'application des règles n'est pas de la dominance. C'est simplement de faire respecter les règles! Ensuite, il y a la question à savoir, COMMENT faire l'application des règlements. Est-ce qu'on frappe les chiens ou les enfants pour qu'ils écoutent?! C'est une question de morale sociale. Oui, ça fonctionne... mais est-ce ce qu'on veut comme relation? Une relation de peur? La question n'est pas si on doit être dominant ou pas mais bien la manière à utliser pour éduquer et entraîner nos chiens. Les chiens, comme les humains ont besoin d'être guidés pour savoir ce qu'ils peuvent faire ou non. Il faut trouver le bon mélange de renforcement positif et de punition pour que l'apprentissage soit optimal. En passant, le terme "punition" doit aussi être défini!

 

En conclusion

Si on vous dit que votre chien est dominant et qu'il faut le casser, le confronter ou le mettre à votre main. N'en croyez rien. Si un vétérinaire vous le dit, changez de vétérinaire! Si l'instructeur de votre cours d'obéissance vous dit d'étrangler votre chien, que vous n'êtes pas assez dominant, quittez les lieux et changez d'école! Les idées changent tranquillement mais pour ça, il faut se poser des questions. La majorité des gens ne se posent pas de questions. Ces gens répètent les erreurs du passé et les pauvres chiens en sont les victimes. J'ai été une adepte, par ignorance, du principe de la dominance pendant deux ans pour me rendre compte que ça ne fonctionnait pas du tout. J'ai cherché à comprendre et je me suis posée des questions. Je communique maintenant beaucoup mieux avec mes chiens et je suis surtout beaucoup plus sereine avec eux parce que je les comprends. J'espère que mon raisonnement vous a permis de mieux comprendre toute cette question!